Nos enfants, ces terribles rebelles
Dédié à un jeune Révolutionnaire libyen.
Ne me quitte pas
Je t’inventerai des mots insensés
Que tu comprendras
Je te parlerai de ces amants-là
Qui ont vu deux fois leurs cœurs s’embraser
Je te raconterai
L’histoire de ce roi mort
De n’avoir pu te rencontrer.
Jacques Brel
C’était hier matin juste avant le café et veille de Toussaint. Fête des morts. Quelle drôle d’idée. Un message sur Facebook. Priez pour que mon ami revienne à la vie. C’est mon petit cousin. Le rebelle de Tripoli. Un cri de désespoir. Impuissance face à un destin tragique.Un révolutionnaire désarmé. Egaré. Les médecins ne sont pas des fées. Bras inutiles et visages désolés. Pleurs anéantis et silences éplorés de familles condamnées. A vivre amputés d’un fils. Avoir vingt ans à Tripoli et se battre dans un coma irréversible. Une balle dans la tête. Elle ne tue pas du premier coup. Logée quelque part dans les limbes enivrantes, elle attend sa délivrance. Quarante deux ans d’une dictature qui a torpillé nos enfances. Un premier ministre vient d’être nommé en attendant des élections. C’est un ancien opposant. Son pédigré est à faire pâlir de jalousie un énarque. Les petits soldats de l’ombre sortent à la lumière. C’est le désordre dans ma tête. Je pense à cet inconnu qui lutte dans les vapeurs de morphine. A l’injustice de la vie. Au devoir de ne pas mourir aussi jeune. A la machine des soins intensifs et à son timbre innaceptable. Hier soir, au Music Hall de Beyrouth, Paris Combo a fait swinguer les libanais. Le ciel était étoilé. Noir criblé d’étoiles. Lucioles incontrôlables. Elles brillaient libres et insolentes. J’ai prié. Reste encore avec nous. La Libye de demain a besoin de toi. Je ne connais pas ton visage. Mais peut-être est-ce toi le jeune homme à la guitare qui a réussi à me faire pleurer un matin d’août. Ne me quitte pas.