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N'oublie pas d'arroser l'olivier
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8 février 2012

Voir Zaitunay Bay et mourir

Beyrouth, un jour de février au ciel gris désespéré. C’est mon amie A. Elle a insisté. Je t’invite. C’est ton anniversaire. On va s’amuser. Il y aura des Louboutin qui picorent les decks en bois et des Hermès à la balançoire hésitante. Il y aura des bourgeoises oisives. Peut-être quelques hommes esseulés en mission spéciale déguisés en noirs. Attablés autour d’une nappe blanche au-dessus de tout soupçon. Comme les yachts gargantuesques qui leur font face. Il y aura des belles à la démarche chaloupée. Certaines et assurées au regard léger qui balaie les tables criant famine. Zola au pays des Cèdres. Gervaise errante et intriguée.

Les men in black oreillette bien vissée arpentent le trottoir. C’est écrit Security à gauche de leur poitrail. C’est étrange comme à Beyrouth il y a toujours un détecteur prêt à dégainer. Ma voiture se gare presque toute seule. Je n’ai pas voulu du valet parking aux 7000 livres indécent. Je crois que je suis encore capable de trouver l’entrée. Elle a été conçue par un célèbre architecte américain. Steven Holl. J’arrive à trouver la sortie. Je ne prends pas le temps de chercher mon amie. Iphone scotché à mes tympans je la bip. Elle est là. En face. Je la vois. Absurde de nos sociétés techniques. Rien à perdre. S’asseoir sur le banc conçu avec amour par un architecte-stagiaire. S’évader dans ses pensées en gommant les paquebots millionnaires. Rêver. Se souvenir. Du Beyrouth d’avant-hier. Celui de mes parents. Celui de l’avant des évènements. Fermer les yeux. Zaitunay Bay. Baie des oliviers. Saveur d’olives éclatées dans un gosier assoiffé et amer. Chantier agité. Les pelleteuses s’excitent. Les grues dansent. Les fourmis creusent. Les casques pirouettent. L’accouchement est menaçant. Contractions douloureuses. Sans péridurale. Ils sont là. Ils fleurissent insolents. Insignifiants. Anonymes. Les uns après les autres. Tables. Chaises. Couverts. Vitres. Couleurs. Mirages. Chalands paresseux en grève. Timides. Opulence arrogante. Je ferme mes yeux. Et je le vois ce parc. Le Central Park sur Beyrouth. Il est là. Il fait fi aux envahisseurs. Au béton hystérique. Aux promoteurs avides et cupides. Il joue avec le Saint Georges résistant. Une valse nonchalante entre la mer et les palmiers. J’entends les rires d’enfants. Leurs cris aussi. Les mères papotent. Les tourniquets grésillent. Sous le chêne, une partie de cache-cache s’organise. Plus loin, au café du parc les jedos jouent au tric trac et les tétas tapent le carton en crapotant le narguilé. Les vélos s’arrêtent. Les coureurs s’étirent. Un petit tombe. Les mamans accourent. Agitation inutile. Rien de grave. Juste quelques cicatrices vitales. A raconter aux copines amoureuses. Histoires de vies. D’une baie volée sur cette mer torpillée. Violée. Attaquée. Stop. A la boulimie. Aux paradoxes interrogateurs. A l’irrationnel. Pause. Happy birthday. 

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