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N'oublie pas d'arroser l'olivier
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25 avril 2012

La Libye ne sera pas une République islamique

« Le Conseil national de transition, au pouvoir en Libye, a adopté mardi 24 avril une loi sur les partis, la première du genre depuis 1964, interdisant notamment les formations politiques fondées sur des considérations religieuses ou tribales, selon des membres du CNT. »

Le Monde avec AFP – 25 avril 2012

Je sais que cela va déplaire à tous ceux qui jouent les Cassandre depuis la chute de la dictature. C’est pour cette raison que je reprends une fois de plus ma plume afin de remettre les mosquées au milieu du village. Mais aussi pour essayer de donner une image différente de la Libye à toutes les personnes que je croise aux mondanités Beyrouthines. J’ai été sidérée l’autre soir à un vernissage très huppé d’entendre une journaliste française basée à Beyrouth travaillant pour une radio connue affirmer que mon pays est tribal et de le comparer illico presto à l’Afghanistan. Je suis surtout affligée par l’ignorance qui fait dire des inepties. Ce qui me semble alarmant dans ce type d’affirmation c’est la manière dont cette information capitale est véhiculée auprès du lecteur ou auditeur lambda. A l’ère d’internet et à la communication boulimique sans recul je m’interroge de plus en plus. Sur la confusion dans laquelle nous sombrons chaque jour un peu plus. Aux amalgames incessants sur les religions et les arabes. A la manipulation d’opinion à travers les images envahissantes et dérangeantes qui pleuvent sur nos écrans de télévision aux heures de grande écoute. A la sécheresse et pauvreté intellectuelle. Au manque d’esprit analytique et critique. A la disparition du livre au détriment des nouveaux médias. A la mort lente des émissions littéraires diffusées à des heures indécentes. Au survol de nouvelles picorées sur des sites médiocres. A l’arrogance des pays occidentaux envers ce que l’on nomme communément les pays en voie de développement. A la décadence de la vieille Europe qui nous observe comme des animaux de zoo enfermés dans des cages. A leur peur d’être envahis par ces mêmes bestioles curieuses et étranges. La liste est interminable. Je ne suis pas une diplomate ni une politicienne. Je suis une citoyenne libyenne qui relève péniblement la tête. Une femme fière de l’être. Je suis foudroyée depuis le 17 février 2011 date de la Révolution Libyenne et de notre libération par une maladie. Le syndrome de l’hémorragie verbale. Je ne peux plus contenir ces océans de mots brimés et opprimés durant quarante deux ans d’une dictature barbare. Elle a abandonné sur la route des milliers de libyens, stoppé leur évolution et retardé leur éducation. Il y a plus de cinquante mille libyens morts au combat sans compter les amputés de guerre et tous les dommages collatéraux. Des milliers de jeunes ont sacrifié leur vie pour être libres. La Libye se redresse péniblement petit à petit. Sur le terrain, il y a des femmes, des hommes avec des métiers honorables d’avocats, médecins, juges, journalistes etc. qui œuvrent chaque jour pour rédiger une constitution inexistante, mettre en place des institutions, venir en aide aux cas désespérés. La Libye ce n’est pas que des sites pétroliers. C’est aussi des sites archéologiques comme Cyrène, Sabratha, Leptis Magna, l’ancienne ville de Ghadamès et le site rupestre de Tadrart Acacus tous inscrits au Patrimoine Mondial de l’Unesco.Ainsi qu’un désert immense aux dunes voluptueuses et arides. Des kilomètres de rivages vierges aux eaux turquoises à rendre rouge de jalousie les Maldives et un sable de la finesse d’un diamant. Un peuple pacifiste de commerçants qui a croisé le chemin d’un bandit. Je ne me tairai plus. Trente ans d’exil. C’est plus qu’assez. Une vie torpillée. Souvent humiliée par le seul malheur d’avoir été représentée pendant des décennies par un état terroriste. Une famille déchirée et éclatée aux quatre coins de la planète. Des disparus qui ne reviendront plus. Et le temps perdu jamais remplacé. Alors je voudrais écrire à tous ceux qui pensent que la Libye ce n’est que des tribus qui sirotent le thé à la menthe tout en s’étripant à coups de règlements de compte. Ce n’est pas non plus le diable islamiste brandi sans cesse par les médias occidentaux. Je vous invite à nous rendre visite lorsque nous aurons remis de l’ordre dans nos cerveaux squattés, nos cœurs brisés, nos corps endoloris, nos larmes à peine asséchées. Et je finirai avec cette citation de Marcel Proust : « Les chagrins sont des serviteurs obscurs, détestés, contre lesquels on lutte, sous l’empire de ce qui tombe de plus en plus, des serviteurs atroces, impossibles à remplacer et qui, par des voies souterraines, nous mènent à la vérité et à la mort. »

Tahani Khalil Ghemati

Architecte libyenne et suisse

Beyrouth le 25 avril 2012

 

 

 


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