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N'oublie pas d'arroser l'olivier
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27 avril 2012

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« Sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais. » Annie Ernaux

Ce Liban où je ne fais que passer. Les lézards trémoussés sur des rochers fleuris. Les fourmis en goguette. Le roseau dansant. Le pin parasol. Le store qui se lève. Le ciel bleu turquoise. Sans nuages. Apercevoir l’avion décollé sur une piste nébuleuse. Ses volutes tracées.Le ballet de l’épicier qui range ses fruits rapidement dérangés. Dire bonjour à l’ouvrier sur ma route. Sourire au gardien d’école. Admirer sa ténacité face à des conducteurs indisciplinés. Le soleil brûlé. Les petits cœurs souriants aux yeux ouverts dessinés par ma petite. La toile tissée des hirondelles envolées vers d’autres contrées. Les étoiles parsemées et brillantes. Croire qu’il y en a au moins une qui console les cœurs chagrinés. Le croissant luné. La lune comblée. Etre libre. Penser que je suis Don Quichotte. Rire à gorge déployée. En avoir les mâchoires arrachées. Vivre. L’honnêteté. Les rêves. L’amour. Les reporters de guerre. Les aventurières. Les femmes frivoles. Les soirées mondaines beyrouthines où je me déguise. Faire croire aux misogynes qu’ils ont raison. M’emballer pour défendre une cause. Irriter avec humour les plus irréductibles. Résister à la tôle sans visage qui me force le passage. Ecrire sur le paradoxe. L’absurde de nos vies. Le regard triste de la vagabonde au bord de la route. L’attardé hystérique à la queue de poisson rassurée. Le visage inexpressif et pathétique de la chirurgie esthétique. Déjeuner avec des amies. Regarder les passants. L’insolence du papier lancé par la fenêtre d’une voiture. Mon regard offusqué qui n’émeut personne. Refuser les sachets en plastique au supermarché. Demander pourquoi ils ne vendent pas des recyclables. Recevoir toujours la même réponse résignée. Me réveiller le matin avec le silence. La paix fragile. Le volcan assoupi. La poudrière dégoupillée à tout instant. Chaque jour écoulé. Ce Panama blanc qui me transporte dans cette hacienda loin de tout. Ecrire dans la nuit pâle. Rêver à un monde plus juste. Imaginer des hommes dignes. Fouiller dans cette mémoire aux armoires débordées. Qu’elle me réchauffe tout en me faisant pleurer. M’embraser en débats nocturnes. Refaire ce monde qui tourne à l’envers. Retrouver les montagnes du Chouf avec des êtres chers. Tremper mes pieds dans la mer. Trébucher sur la caillasse. Voir Batroun et en mourir d’un amour fou. Boire de cette vie canaille qui n’est que vent et poussière. Fumer pour éclairer les souvenirs enterrés. Ecouter l’oiseau perché sur ce fil électrisé. Résister. Ecrire la vie. La partager. J’aime je crois.

Tahani Khalil Ghemati

Architecte libyenne et suisse

Beyrouth le 27 avril 2012

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