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N'oublie pas d'arroser l'olivier
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23 mai 2012

Le ballet d’Iris

« Puis venaient les plus ravissantes giroflées et des œillets qui saluaient de tous côtés. Ils étaient accompagnés de musique : des coquelicots et des pivoines soufflaient dans des cosses de pois à en être cramoisies. Les campanules bleues et les petites nivéoles blanches sonnaient comme si elles avaient eu des clochettes. Venaient ensuite quantité d'autres fleurs, elles dansaient toutes ensemble, les violettes bleues et les pâquerettes rouges, les marguerites et les muguets. « Hans Christian Andersen.

Un soir à Beyrouth. Une rencontre. Un diner intime entre amis. Une femme. Une apparition au regard de félin. Une couleur d’iris ambrée. Un timbre vocal enrhumé. Une présence discrète. Parfois les âmes singulières s’échappent de leur cachette. Elles sont enveloppées d’un parfum troublant et mystérieux. J’aime ces femmes là. Celles qui parlent la même la langue que moi. Les autres se sont perdues dans un labyrinthe névrosé et ne retrouvent plus la sortie. Etre et paraître. S’oublier encore un peu plus. Quémander. Chercher. Cet homme là. Celui qui va peut-être faire éclore la fleur cachée. La tulipe égarée. La rose éclatée. Les pétales séchées. Curieuse. J’ai voulu te connaître un peu plus. Entrer dans les entrailles blessées de ce pays du Cèdre. Expliquer. Comprendre. Excuser. Aimer. Détester.  Que fais-tu là belle Iris au milieu de ce Liban aux pneus cramoisis ? Grillés. Feux brûlés. Pollués. Poumons enfumés. Tu aurais pu partir vers d’autres continents. Comme des milliers de tes compatriotes exilés. Tu es restée. A te promener sans l’avoir choisi dans six écoles. La guerre. Aujourd’hui, le fantôme est de retour. Les jours sombres annoncés. Des voyages déconseillés. Au nom de la bêtise humaine. Ce Liban redevenu le putois infréquentable. Otage malgré lui. La survie en mode masque et tuba. Bulles explosées. Je veux écrire sur ce Liban aux anges dérobés. Je reste. Je cherche à te retrouver quelque part entre un rond point aux mouches hystériques et une route en ligne droite. Indications téléphoniques difficiles. Points de repères éphémères. Un merci du bout des lèvres à cet engin portable. Parasite inconditionnel de nos vies modernes. Je suis là. Et toi aussi. C’est une petite halle vitrée. Quelques chaises. Des hommes accostés. Un café. Deux femmes. Nous. Des bacs blancs aux habitants colorés. Pivoines. Tulipes. Roses. Elles attendent. Dociles. Les acheteurs. La seconde vie. Arrachées une première fois à cette terre remuée. Trifouillée. Dérangée. Revendues. A des inconnus. Racines agonisantes. Vases translucides. Replantés dans des tours éclairées. Je te regarde. Je t’écoute. Tu me racontes. Pudique. La terre. Il y a dix-huit ans. Tomates ou fleurs ? J’ai choisi. Expérimenter un peu au hasard. Récolter les résultats. Aimer. Je ne peux pas m’empêcher de te raconter la mienne de drôle de vie. Parfois, j’aimerai me taire un peu plus pour faire la place à ce silence. A cette douleur qui hurle. A ces moments muets. Je t’admire toi la luciole. Le papillon posé. Lucide. Honnête. D’être là dans ce pays. C’est le tien. Il fait sable ce jour-là à Beyrouth. Mes yeux se remplissent de particules aux larmes inconsolables. Et pourtant je suis repartie les bras chargés de genêts, d’iris et de branches échevelées. Un voyage sans billet ni contrôle drastique. La vie. Un cadeau. Inespéré au milieu du chaos. Un havre de paix. Le temps suspendu. Odeurs en déshérence dans un no man’s land. J’irai toucher cette terre où poussent ces vies là. Leur parler de mon amie Iris et de sa danse avec les tulipes insoumises et frivoles.

Tahani Khalil Ghemati

Beyrouth le 23 mai 2012

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