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N'oublie pas d'arroser l'olivier
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29 mai 2012

Une hirondelle filante à Byblos

« L’exil (…) C’est la fissure à jamais creusée entre l’être humain et sa terre natale, entre l’individu et son vrai foyer, et la tristesse qu’il implique n’est pas surmontable. »

Edward W. Said.

 

Une rencontre improbable. Le miracle de Beyrouth. Le Liban. Un carrefour pour les âmes errantes. Exilées sans l’avoir choisi. Des femmes. Elles ne se connaissent pas. Un restaurant italien. Marinella à Mar Mickael. Une cantine chic à la patronne souriante. Aux affiches romaines. Tables parfumées au gardénia. Destins en cavale. Je ne la reconnais pas tout de suite. Elle est là devant moi. Imposante. Impressionnante. Actrice Fellinienne au pays du Cèdre. Une apparition surnaturelle dans le chaos environnant. A quelques mètres de là, les policiers sont postés devant l’électricité du Liban. Employés en grève. Le Nord et le Sud communiquent sur un fil crispé. In between. La vie continue à Beyrouth. Vivre ou survivre. Lassitude. Fatigue. Entrevoir des jours meilleurs. Aucune envie de se battre. L’été pointe son museau avec son paquet de mauvaises nouvelles. Les ombres du Golfe iront se rafraichir à Genève. Tant pis pour elles. Je la regarde. Un déjà vu quelque part. Une étoile échappée d’un écran brouillé. Trahie par sa voix. Unique. Identifiable. Simple. Accessible. En face, mon amie esquisse des sourires complices. J’essaye de me concentrer. Troublée. Admirative et intimidée. Une militante. Au franc parler. Courageuse et téméraire. Généreuse. A la recherche des pierres volées de Jérusalem. Je l’écoute. Elle ne se dévoilera pas. Curieuse. Je la reverrai pour un déjeuner à Byblos. Bavarde et secrète. Etincelle lumineuse au regard vif et brillant. Emerveillée par le nouveau parc de Byblos. Les bouquets de menthe chuchotent avec les épines de romarin et les feuilles de thym sauvage. Les troncs de palmiers à la mèche rebelle draguent les jeunes oliviers. Un éclat de vie dans les rues calmes. Enthousiaste sous une pergola de Bougainvilliers. Une bougie allumée dans cette minuscule chapelle sur notre chemin. Le silence. Marie à la couronne aux fleurs fraiches droite et digne nous sourit. Intriguée peut-être par ces musulmanes égarées. Une table carrée à la nappe blanche attend sagement. Entracte. La mer légèrement agitée déploie son étoffe bleue électrisée. Les coquilles Saint-Jacques dansent avec les amandes. Rires de femmes. Emilio l’aubergiste transformé en El Bulli. Une carafe aux nuages d’arak évadés. Lumières d’exilées. Vies contées. L’humour en pilier salvateur des chagrins à peine enterrés. Et de ce malheur arabe sans cesse rattrapé par des esprits malins. Oubli de ce temps névrosé. Juste nous sur cette terre phénicienne aux bras ouverts. Evanescence d’instants savourés. Etre en vie. Sourire. Aimer. Attendre. Un coup de fil. Fébriles et amoureuses. D’hommes trop souvent absents et débordés. S’amuser de nos messages rédigés. Magie de nos technologies parfois non maitrisées. Broderies tissées d’amitiés en devenir. Avec pour cordon cette méditerranée canaille et infidèle. Je repars. Ailes déployées. Le cœur et la tête remplies de ces drôles de vies. Nées sur des terres d’exil au goût parfois amer. Citoyennes de ce monde pas si vaste. Messagères étoilées de paix. Branches d’olivier qui grandiront loin de cette terre promise squattée depuis bien trop longtemps…

 

Tahani Khalil Ghemati

Architecte libyenne et suisse

Beyrouth le 29 mai 2012

 

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